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Que faire lorsque des œuvres ou des objets d’art sont redécouverts après une succession ?

Article publié le 17 février 2025

À la suite d’un décès, le délai accordé aux héritiers du défunt pour déclarer le patrimoine dévolu à l’administration fiscale expire à la fin du sixième mois suivant le décès. Les droits de succession sont calculés à partir de la valeur donnée à l’ensemble du patrimoine du défunt, c’est-à-dire par la valorisation de l’actif (immobilier, comptes bancaires, valeur mobilière, meubles, œuvres d’art, mobiliers…) et du passif (dettes du défunt). Lors de la déclaration, les héritiers doivent également s’acquitter des droits de succession, calculés à partir de la valeur du patrimoine.

Pour autant, lorsqu’un bien est redécouvert postérieurement à la déclaration de succession, il doit être réintégré à l’actif et donner lieu à une taxation complémentaire. Il s’agit alors de biens rentrés dans l’hérédité après le décès. Une fiction s’opère en intégrant le bien dans le patrimoine du défunt, patrimoine ensuite dévolu aux héritiers. Lorsqu’un bien est redécouvert après plusieurs successions, il est réintégré dans l’actif successoral de chacune d’elles jusqu’à parvenir aux héritiers actuels. Cette réintégration entraîne corrélativement le paiement de droits de succession – droits de mutation à titre gratuit – complémentaires pour chaque succession concernée.

L’obligation de déclarer les biens redécouverts
La découverte d’un bien doit faire l’objet d’une déclaration complémentaire par les héritiers dans les six mois suivant l’événement qui provoque la réintégration. Dans l’hypothèse d’une redécouverte d’un tableau ou d’une œuvre d’art, les héritiers doivent donc informer sans délai l’administration fiscale d’une telle redécouverte. Ils devront toutefois pouvoir justifier de cette « redécouverte » afin d’éviter que l’administration fiscale ne considère que ce bien a été sciemment caché, dissimulé lors de la déclaration de succession afin d’échapper aux droits de succession. À défaut, l’administration fiscale pourra appliquer une majoration de 80 % en cas de manœuvre frauduleuse et de 40 % en cas de manquement délibéré.
Cette redécouverte de biens et leur réintégration au sein de l’actif est susceptible de survenir la plupart du temps à la suite d’une action en justice et notamment lorsqu’un objet de grande valeur ou un patrimoine artistique familial a été soustrait par un héritier ou une personne malveillante. Lorsque cette soustraction frauduleuse est réalisée par un héritier, il s’agit alors de recel successoral. Si celle-ci est réalisée par un tiers, le terme de captation d’héritage est préféré. Une fois la propriété de ces biens de grande valeur retrouvée par les héritiers, ils réintégreront l’actif successoral et devront donc être déclarés à l’administration fiscale.

La réintégration à la suite de la contestation d’un contrat de vente ou d’une donation
Une sculpture, un tableau ou un objet d’art peut également réintégrer l’actif successoral à la suite d’une action en nullité du contrat qui a opéré le transfert de propriété hors du patrimoine du défunt. Lorsque le bien a été donné du vivant du collectionneur ou de l’artiste, il s’agit d’une donation ou d’un don. Or, les héritiers peuvent obtenir la nullité de cette donation (par exemple pour insanité d’esprit) ou sa révocation lorsque les conditions souhaitées par le donateur sont inexécutées. Le cas échéant, l’œuvre d’art ou le meuble historique réintègre le patrimoine de l’héritier et doit être également déclaré à l’administration fiscale.
L’intégration du bien au sein du patrimoine du défunt peut également résulter d’une action judiciaire fondée sur l’authenticité d’une œuvre d’art. Lorsqu’un tableau se voit postérieurement décerner une origine célèbre, c’est-à-dire être l’œuvre authentique d’un maître, le contrat de vente est susceptible d’être annulé pour erreur sur les qualités essentielles de la part du vendeur. Si cette action en justice devait prospérer, les héritiers deviendraient les heureux propriétaires d’une œuvre possédant une valeur commerciale importante.
Si dans un premier temps la félicité de devenir propriétaire ou copropriétaire d’une telle œuvre peut être réjouissante, les héritiers ont tout intérêt à déclarer à l’administration fiscale la présence de ce tableau dans la succession du défunt grâce à une déclaration de succession complémentaire. La publicité des décisions de justice – et, corrélativement, la connaissance par l’administration fiscale de la restitution du chef d’œuvre – doit en effet les inciter à cette diligence afin d’éviter un redressement fiscal avec majoration. Le délai pour procéder à cette déclaration court alors à compter du jour où l’existence est confirmée par une transaction ou par une décision judiciaire.

Des dispositions spécifiques pour les œuvres d’art spoliées
Une telle contrainte pesait également sur les héritiers de personnes spoliées durant la Seconde Guerre mondiale, qui, une fois la peinture ou la sculpture restituée, devaient alors payer les droits de mutation des successions précédentes. Alors que les héritiers récupéraient l’œuvre d’un parent spolié dans le contexte effroyable de la Seconde Guerre mondiale, la loi fiscale se montrait elle intransigeante et neutre, autorisant l’administration fiscale à réclamer les droits de succession.

La loi de finances pour 2024[1], adoptée le 29 décembre 2023, instaure un article 796-0 quinquies au sein du Code général des impôts, lequel dispose notamment : « Est exonérée de droits de mutation par décès la transmission de biens ayant fait l’objet d’une spoliation dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945. » [2] Le même article précise les hypothèses à l’occasion desquelles les héritiers peuvent bénéficier de cette exonération. 

Un article écrit par Me Simon Rolin
Avocat à la Cour et Collaborateur du Cabinet.

Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l'art et du marché de l'art, le Cabinet assiste régulièrement des héritiers dans l'appréhension des problématiques successorales spécifiques attachées aux œuvres et objets d'art. Que ces problématiques soient d’ordre fiscal, d’ordre successoral ou encore d’ordre pénal.

Notre Cabinet d’avocats accompagne des successions d’artistes plasticiens, de photographes, de designers, d’illustrateurs, français ou étrangers, bénéficiant d’une reconnaissance très importante par le marché et le monde de l’art ou en voie de bénéficier d’une telle reconnaissance. Nous assurons un suivi constant, qui ne se limite pas au seul domaine juridique. Nous accompagnons également des successions de collectionneurs afin de les aider à mettre en valeur les collections héritées. Avocats en droit de l’art et en droit du marché de l’art, nous intervenons également en matière de droit des contrats, de droit de la responsabilité, de droit de la vente aux enchères publiques pour l’ensemble de nos clients, aussi bien à Paris que sur l’ensemble du territoire français et en Belgique (Bruxelles).

[1] Loi no 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
[2] Code général des impôts, article 796-0 quinquies.