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Artiste auteur – abaissement du seuil de franchise de TVA

Article publié le 14 février 2025

Le projet de loi de finance adopté le 3 février 2025 par l’Assemblée nationale cachait d’un changement de première importance pour les artistes auteurs : l’abaissement du seuil de franchise de TVA à 25 000 euros de chiffre d’affaires sur l’année civile. Devant le tollé suscité par cette mesure, son application a été suspendue sine die après son adoption par le gouvernement et doit faire l’objet de discussions avec les professionnels. Son application éventuelle pourrait avoir des impacts importants pour les artistes auteurs.

La taxe sur la valeur ajoutée est un impôt sur la consommation. Elle doit en principe être neutre pour les acteurs économiques, désignés par la loi comme des assujettis. À cette fin, l’assujetti collecte la TVA sur la vente des biens ou les prestations de services et reverse au Trésor public après avoir déduit la TVA qu’il a supportée lors de ses achats. Si la déduction de TVA est intéressante dans le cadre des acquisitions, elle impose toutefois une comptabilité et des démarches administratives à l’assujetti. 

Une exonération favorable aux artistes auteurs
Afin d’éviter cette charge, l’article 293 B du Code général des impôts exonérait de TVA les assujettis dont le chiffre d’affaires était d’un montant peu élevé. Cette exonération – c’est-à-dire l’absence de mention d’un prix hors taxes et toutes taxes sur les factures – interdisait toutefois à l’assujetti de déduire la TVA de ses acquisitions. Ainsi, lorsqu’un entrepreneur crée son activité il est exonéré de la collecte de TVA mais doit mentionner sur la facture « TVA non applicable – Article 293 B du Code général des impôts ».
Cet article prévoyait différents seuils à partir desquels l’assujetti devait nécessairement collecter de la TVA. Pour les entrepreneurs réalisant des prestations de services, le montant du chiffre d’affaires annuel était de 37 500 euros. Pour les livraisons de biens, le seuil était de 85 000 euros. Les artistes auteurs bénéficiaient quant à eux d’un seuil spécifique de 50 000 euros qu’ils partageaient avec les avocats. Ainsi, les artistes auteurs dont le chiffre d’affaires était inférieur à 50 000 euros n’étaient pas assujettis à la TVA sauf s’ils avaient volontairement décidé d’opter pour celle-ci.
Le choix d’une telle option pour la TVA n’implique toutefois pas la remise en cause du régime de micro-BNC grâce auquel l’artiste bénéficie d’un abattement forfaitaire de 34 % tant que son chiffre d’affaires ne dépasse pas 77 700 euros. En revanche, si l’artiste opte pour le régime réel, cela emporte automatiquement l’application de la TVA sur son activité. Ainsi, un artiste qui avait créé son activité en 2023 et a réalisé en 2024 un chiffre d’affaires de 45 000 euros commercialise ses œuvres sans indiquer de TVA. Il encaisse donc l’intégralité du prix de vente de l’œuvre ou de cession des droits d’auteur.

Un abaissement du seuil de chiffre d’affaires à 25 000 euros sur l’année et 27 500 euros en cours d’année
Avec l’adoption de la loi de finance 2025, toutes les professions sans distinction relèvent du seuil de 25 000 euros. Dès lors, si un artiste réalise au cours de l’année 2025 plus de 25 000 euros de chiffre d’affaires, il deviendra assujetti à la TVA en janvier 2026. Mais la réforme ne s’arrête pas là. En effet un second seuil existe si, au cours de l’année, le montant du chiffre d’affaires dépasse 27 500 euros. Le cas échéant, l’artiste perd le bénéfice de l’exonération de TVA le mois suivant le dépassement de ce seuil et doit donc facturer la TVA et déclarer le montant à verser à l’administration fiscale.
Ce second seuil, seulement 2 500 euros plus élevé que le premier, impose la plus grande vigilance aux artistes et aux auteurs. Car s’ils dépassent ce seuil en cours d’année et qu’ils n’indiquent pas sur leur facture la TVA, ce sont eux qui devront au final la supporter.
Concrètement, si le chiffre d’affaires d’un sculpteur dépasse 27 500 euros au mois de mai 2025, il devra collecter la TVA sur ses ventes à compter du mois de juin. S’il vend une œuvre d’art 1 000 euros sans indiquer sur la facture la TVA, il devra malgré tout verser au trésor public 5.5 % du prix, soit le taux de TVA applicable à la vente d’une œuvre d’art. Dès lors, alors qu’il aurait dû percevoir 1 000 euros sous le régime de la franchise en base, il doit collecter 5,5 % du prix de vente TTC, soit 52,13 euros de TVA et un prix hors taxes de 947,87 euros. Cela équivaut donc à une perte de 52,13 euros. Le seul moyen est donc d’augmenter ses prix.

Des taux réduits atténuant l’effet de l’éligibilité à la TVA
L’artiste ou l’auteur bénéficie toutefois de taux de TVA avantageux contrairement aux entrepreneurs et artisans. En effet, la TVA sur la vente des œuvres d’art est de 5,5 % et sur la cession des droits d’auteur de 10 %. La définition des œuvres d’art par le droit fiscal est toutefois très limitée. En effet, elle ne concerne que les œuvres visées à l’article 98 A de l’annexe 3 du Code général des impôts.
Cette liste limitative[1] vise les tableaux et dessins, les sculptures uniques ou limitées en douze exemplaires, les exemplaires de gravures, estampes et lithographies signés et numérotés, les tapisseries, les céramiques les émaux de cuivre et les exemplaires de photographie limités dans un maximum de trente exemplaires. Ces œuvres doivent avoir été réalisées par l’artiste ou sous son contrôle et, lorsqu’il s’agit d’exemplaires, tirés en nombre limité défini par l’artiste dont le nombre maximum est arrêté par la loi.
Cette définition est toutefois jugée archaïque car elle exclut notamment les installations artistiques pour lequel l’artiste n’est pas intervenu manuellement et les œuvres d’art vidéo. A défaut, un taux de TVA de 20 % s’appliquera. Tel peut notamment être le cas d’une œuvre faite avec des néons ou d’autres matériaux couramment utilisés dans la pratique contemporaine. Si l’artiste a mentionné un taux de TVA de 5,5 % pour une production artistique exclue de cette liste, l’administration fiscale pourra à l’occasion d’un contrôle fiscal appliquer un taux de TVA de 20 %. L’artiste devra alors verser la différence plus d’éventuelles pénalités en cas de redressement.

Devant le tollé suscité par l’abaissement des seuils, il est toutefois possible que ce seuil soit à nouveau modifié à l’occasion d’une loi de finance rectificative au cours du premier semestre 2025[2]. Affaire à suivre.

Un article écrit par Me Simon Rolin
Avocat à la Cour et Collaborateur du Cabinet. 

Dans le cadre de son activité, dédiée au droit du marché de l’art et au droit de l’art, notre Cabinet d’avocats assiste régulièrement des artistes et leur studio dans leurs problématiques fiscales. Le Cabinet travaille également en étroite collaboration avec des experts comptables, des administrateurs et des comptables spécialisés dans ce secteur afin de proposer un accompagnement complet à ses clients.

[1] https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/1279-PGP.html/identifiant%3DBOI-TVA-SECT-90-10-20140411
[2] https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/02/05/projet-de-loi-de-finances-des-centaines-de-milliers-de-petites-entreprises-soumises-a-la-tva_6533446_3234.html