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De l’importance des justificatifs lors d’un contrôle fiscal

Article publié le 12 février 2025

A l’issue d’un contrôle fiscal, la Galerie D., galerie d’art à Paris, a notamment fait l’objet, sur certaines des ventes d’œuvres d’art que la Galerie avait réalisées en 2013 et en 2014, d’un rappel de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de taxe forfaitaire sur les objets précieux (TFOP). En matière de TVA, l’exportation effective d’une œuvre d’art doit être nécessairement justifiée par le biais de preuves admises par l’administration fiscale afin d’éviter toute difficulté future.

La Galerie avançait qu’elle n’était pas redevable de la collecte et du reversement de la TVA sur les ventes litigieuses en raison de l’exportation des œuvres à l’issue de leur vente. Après avoir été déboutée de sa demande d’annulation du redressement fiscal par le Tribunal administratif de Paris, la Galerie a interjeté appel, sans rencontrer toutefois, plus de succès.

Par un arrêt du 24 janvier 2025[1], la Cour administrative d’appel de Paris confirme le jugement rendu en première instance et rejette les demandes de la Galerie en considérant que, faute de pouvoir justifier pleinement de la sortie du territoire douanier de l’Union européenne la réalité des exonérations ne peut être établie, et, juge en conséquence, le rappel d’imposition à la TVA fondé.

Bref rappel quant au mécanisme d’exonération de la TVA lors d’une exportation
Aux termes de l’article 256 du Code général des impôts, le fait générateur d’application de la TVA en matière de vente est « le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire ». Celui-ci permet corrélativement, sur le fondement des articles 262 et 74 de l’Annexe III du Code général des impôts, d’exonérer une vente de la TVA dès lors que l’objet de la vente, dans notre espèce des œuvres d’art, fait l’objet d’une exportation en dehors de l’Union européenne.
Or, et puisque c’est bel et bien la sortie du bien du territoire douanier de l’Union européenne qui permet une telle exonération, cette dernière est nécessairement subordonnée (i) au respect d’obligations comptables liées à la tenue d’un registre dédié aux opérations taxables ou non effectuées par la société et (ii) à la justification de l’exportation.  

La nécessaire justification de l’opération d’une exportation
Sur le fondement des articles précités, l’exportation peut notamment être prouvée par l’établissement d’une déclaration d’exportation, puis de la conservation de l’exemplaire numéro 3 de ladite déclaration visée par l’autorité douanière compétente.
A défaut de produire lesdites déclarations, la détention d’un élément de preuve alternatif justifiant de l’expédition ou du transport des biens en dehors de l’Union européenne est admis. Parmi les justificatifs autorisés et listés à l’article 74 précité, sont ainsi admis la déclaration en douane établie par le pays de destination finale ou encore tout document de transport vers un pays hors UE. En conséquence, l’admission de la preuve d’exportation, bien qu’encadrée, semble assez large.  

Dès lors, c’est bien la matérialité de la sortie de l’objet de la vente qui doit être justifiée en cas de contrôle. Une simple facture adressée à une entité tierce à l’Union européenne, et telles que celles produites par la requérante dans notre espèce, ne permet pas une telle preuve. Si, par essence, elle permet de démontrer qu’une vente a eu lieu, elle ne permet toutefois pas de prouver que l’objet a bel et bien quitté le territoire de l’UE, et ce alors même que l’acquéreur serait résident extra communautaire.

Or, et en l’espèce, la Galerie avait uniquement versé les factures, mentionnant des adresses de facturation en Russie, en Suisse, à Singapour et en Israël, ainsi que des justificatifs de paiements réalisés à partir de comptes détenus à l’étranger. Pour la Cour administrative d’appel de Paris, face à l’absence de production des pièces justificatives recevables, la société requérante n’établit pas la réalité des opérations d’exportation correspondantes, qu’elle soutient avoir réalisées au cours des années 2013 et 2014. En d’autres termes, la Galerie n’était pas fondée à soutenir que ces ventes seraient exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions de l’article 262 du Code général des impôts.

L’enjeu était ici assez important dès lors que pour les deux exercices concernés, les ventes s’élevaient à un montant cumulé de près de 270.000 euros pour lesquelles aucune TVA n’avait été collectée. La Galerie est ainsi contrainte de réduire sa marge en prenant à sa seule charge la TVA qui aurait dû être collectée et reversée et se voit également appliquée des pénalités de retard.

Cet arrêt est ainsi l’occasion de réitérer l’importance des éléments de preuve permettant de justifier le bénéfice d’un régime juridique, en l’espèce, celui d’une exonération fiscale, et de préciser quels sont les documents le permettant.

Que retenir ?
Si une galerie vend une œuvre à un client hors de l’UE, elle doit impérativement conserver des documents officiels prouvant que l’œuvre a bien été exportée. Sinon, elle risque un redressement fiscal et devra payer la TVA sur ces ventes, même si l’acheteur est bien établi à l’étranger. Cet arrêt rappelle donc l’importance de bien documenter chaque exportation afin d’éviter toute difficulté en cas de contrôle fiscal.

Bonnes pratiques pour les galeries et les antiquaires
Afin d’éviter toute difficulté fiscale, il est conseillé de :

  • Anticiper : vérifier les documents fournis avant la vente et s’assurer de leur conformité.

  • Archiver systématiquement les documents : conserver tous les justificatifs d’exportation pendant au moins 10 ans.

  • Se faire accompagner : en cas de doute, consulter un expert-comptable ou un avocat spécialiste dans le domaine.

Un article écrit par Me Alix Vigeant
Avocat à la Cour et Collaboratrice du Cabinet

Dans le cadre de son activité dédiée au droit de l'art et du marché de l'art, le Cabinet assiste régulièrement les professionnels du secteur (commissaires-priseurs et galeristes notamment) sur des problématiques fiscales, dont celles attachées à la détermination du taux de TVA applicable aux opérations réalisées.

[1] CAA Paris, 9e, 24 janv. 2025, n°24PA00538.